
Après un dernier cycle en enseignement secondaire artistique à St-Luc, j’ai réalisé un master en scénographie à la Cambre ENSAV à Bruxelles.
Depuis mon enfance, j’ai une grande passion pour les pigments et la matière. A Saint-Luc j’ai commencé à canaliser ces fascinations en réalisant des toiles en acrylique et puis en peinture à l’huile. Cela m’a tout de suite passionnée. Mais ce sont surtout les grands formats qui me plaisaient le plus. J’aime mêler mes sensations physiques, mes gestes, les mouvements des pinceaux et de la matière. Une grande toile, à mon échelle, peut devenir un “monde dans lequel un Homme – créateur et spectateur – plonge dans un univers de couleurs et de mouvements. » Les peintres Rothko et Newman sont mes mentors à ce sujet. Déjà une première piste d’exploration d’espace, une intégration d’un corps, d’un mouvement dans un univers onirique…
Après le diplôme de secondaire en poche, j’avais le souhait de continuer mes études en Peinture. J’ai hésité car j’avais peur, connaissant mon intérêt pour différentes pratiques – couture, construction, sculpture, peinture – d’être prisonnière d’une voie et surtout j’étais une jeune artiste qui avait encore besoin d’explorer plusieurs pistes. C’est alors que j’ai entendu parler de la scénographie. Après quelques recherches, je me suis dit « Génial j’ai trouvé une option où je pourrais Tout explorer en Une pratique, le rêve ! »
Durant mes études à la Cambre, j’ai découvert l’univers du spectacle vivant. Mes premières années en tant que scénographe se sont tournées vers ce médium. J’adore être porteuse du texte et de ses enjeux, des idées du metteur(e) en scène, de la présence des comédiens ou des danseurs, … Questionner notre existence et notre rapport au monde en intégrant objets ou marionnettes… Aujourd’hui encore j’ai gardé une accroche à cet univers. Je travaille actuellement avec le Groupe Sanguin, un collectif de comédiens engagés. J’ai également conçu et réalisé quelques décors et costumes, audacieux ou non, pour des court-métrages ou encore pour quelques publicités. Je commençais chaque projet avec une curiosité débordante, à l’affût de nouvelles découvertes.
Lors de mon évolution professionnelle, quelques complications administratives et financières sont arrivées… Je n’ai pas réussi à avoir le statut d’artiste et je ne souhaitais pas persévérer pour l’obtenir car la perspective du chômage ne m’a jamais attirée. Ne comprenant pas pourquoi c’était la seule issue que nous avions, nous, « les artistes » dans ce monde trop petit pour nous.
De plus, dans un souci économique, j’étais trop caméléon, je réalisais toutes sortes de décors différents pour toutes sortes de compagnies. Mon agenda était overbooké mais je n’avais pas véritablement de trame personnelle. J’étais trop désireuse de coller parfaitement aux idées et aux enjeux de chaque spectacle ou de chaque projet. Le danger de cette situation est « qu’on trouve toujours moins cher et plus disponible », c’est une spirale qui devient assez vite infernale et qui un jour a explosé. J’ai en eu assez d’errer sans réel but, ne sachant plus trop où aller. Devant cette impasse, je me suis donc interrogée sur ce que j’aimais vraiment réaliser.
Quel est mon univers artistique ? Quel support puis-je offrir à d’autres, créateurs ou clients, désireux de créer un contexte spécifique?
Une évidence : j’ai toujours eu une attirance naturelle pour le monde des végétaux et je ne cesse de les décliner dans différents projets. Par exemple, j’ai pas mal pratiqué les teintures végétales avec des éléments que je récoltais et séchais pour réaliser des costumes.
Très souvent, la figure de l’arbre et la racine revenaient dans des installations ou des décors. Vient ensuite la forêt qui fut très rapidement ma principale source d’inspiration. La forêt, dans les contes et légendes européens, est un lieu mystérieux, lugubre, impénétrable, parfois dangereux, elle évoque très souvent les forces dévorantes de la nature. Mais pour ceux qui peuvent en profiter à sa juste valeur, c’est un lieu majestueux voire spirituel. Ambiguïté intéressante : elle est synonyme d’angoisse ou de sérénité, d’oppression ou de libération.
L’arbre, connexion vers l’Infini, est un axe vertical qui nous emmène directement vers le Ciel. Son cycle est comme la vie, la mort et la régénération. Les feuilles tombent mais reviennent sans cesse en nous offrant des tableaux merveilleux à chaque saison.
Le logo de l’entreprise est d’ailleurs le symbole de cette croyance ; un poumon humain dessiné à l’aide de végétaux. L’analogie du poumon avec des racines, des branches, à notre système cardiovasculaire ou à notre système nerveux ; les végétaux sont l’air que nous respirons, notre oxygène. Nous avons un « arbre » en nous. J’ai dessiné ce dernier en 2012 lors d’une recherche en sérigraphie. Depuis, ce motif m’a collé à la peau. En 2018, Margaux Baert, graphiste, l’a stylisé et permis de le définir en tant que logo.
Mon travail de fin d’étude, « Prologue » est bien représentatif de cette obsession. En effet, ce projet fut la première scénographie connectée avec moi-même car j’étais la seule à la penser, sans filtre d’un metteur en scène ou autre. Le titre vient directement du premier chapitre de l’Enfer de Dante. Mais je ne peux m’empêcher de penser que j’avais la certitude que ce projet serait précurseur de ma carrière. Le prologue de ma propre quête artistique personnelle.
Toujours avec cet intérêt pour les végétaux, je me suis intéressée à l’art floral. J’ai eu l’opportunité de travailler chez différents fleuristes et d’y apprendre le métier directement avec des patrons. Ce fut donc un apprentissage déconnecté des conventions académiques de l’art floral, j’ai appris directement dans le feu de l’action.
Cette liberté je la revendique. Je me laisse guider par les formes et les odeurs des fleurs, prenant les végétaux comme matériaux bruts pour ma créativité.
En 2019, dans le but d’affiner mon approche personnelle, j’ai réalisé une symbiose entre ces deux métiers : la scénographie et l’art floral.
De manière effrontée et n’ayant quasi rien à perdre, j’ai plongé la tête la première. J’ai ouvert une boutique/atelier dans le quartier Vanderkindere. Voyant surtout l’occasion d’avoir une vitrine avec pignon sur rue dans un carrefour citadin stratégique, voilà un moyen de provoquer des rencontres et des nouveaux projets.
En 2022, après trois ans et demi dans cette belle boutique, ma carrière prend encore un nouveau tournant.
Aujourd’hui, j’aimerais reprendre mon envol vers une nouvelle expansion dans mon domaine.
La boutique m’a apporté une énorme expérience professionnelle. Elle m’a aussi permis de placer le socle de l’entreprise : la scénographie florale avec une magnifique vitrine. Elle m’a mise au-devant de la scène, me permettant d’inaugurer ma marque tout en ouvrant un grand champ d’action : du service privé ou d’entreprise en passant par un commerce de proximité dans une vie de quartier.
Cette belle base ainsi instaurée m’a donné confiance en mes capacités et m’encourage à me développer. L’appel du grand large avec un besoin viscéral d’affirmer encore ma carrière scénographique me donne des ailes. J’ai donc décidé de perfectionner l’e-shop de la boutique et de fermer l’atelier de l’avenue Brugmann. Cette décision est évidemment un brise-cœur car j’ai tout donné dans cet espace. Mais je le fais pour déployer mes ailes.
J’ai conscience que ma voie professionnelle est un peu sinueuse mais pour la première fois dans ma carrière d’artiste, je calme mes énergies de feux et j’utilise toutes les ressources qui s’offrent à moi. Pour la première fois, j’ai la sensation d’atteindre mes objectifs.
Être une jeune femme libre et indépendante, avec une vision entrepreneuriale.
Être l’actrice principale de mes projets créatifs que je peux auto-financer avec mon entreprise.
Le tout dans un cadre professionnel cohérent qui me permet de gérer un emploi de temps souple pour répondre à des demandes variées. Tout en ayant un calendrier ouvert pour travailler, créer, me nourrir de nouvelles inspirations tout en laissant de la place pour une vie intime et personnelle.
Être mobile et pouvoir me déplacer en fonction des nouvelles rencontres ou des opportunités.
J’accepte maintenant le côté “hybride” propre à la scénographie. La mienne oscille entre un monde floral et un monde théâtral. Créer une multitude d’univers éphémères pour honorer un mariage, un événement privé, porter un projet d’une entreprise ou participer à une aventure avec d’autres artistes. Continuer à créer et produire des pièces personnelles pour apporter toutes les émotions et l’atmosphère nécessaires à chaque projet unique.
Depuis ma sortie de la Cambre en 2014, je n’ai cessé de lutter et chercher mon équilibre dans une société qui ne donne pas beaucoup de place aux artistes et au développement personnel.
J’ai dû user les outils que notre monde européen nous propose pour créer mon métier, une profession personnelle sortant des cases tout en les cochant.
Dilemme pas toujours simple à assumer…
Aujourd’hui, j’ai semé des graines, elles ont germé.
Je baisse les armes et je peux enfin récolter les fruits de ce travail de plusieurs années.
Je suis impatiente d’écrire la suite mais surtout de vivre ces moments tant attendus.
En continuant ce parcours avec vous qui m’avez toujours soutenue, encouragée ou simplement qui avez participé à la vie de mon Atelier avenue Brugmann, vous qui avez déjà apprécié mon travail avec son identité très personnelle.
J’espère encore pouvoir vous surprendre ainsi que vous proposer des articles et de des services de qualités.
J’ai confiance en l’avenir.
A très vite pour des nouvelles aventures ….
Morgane
